Reggane, gerboises et foggaras
Entrons, si j’ose dire, dans le vif du sujet. La première des bombes atomiques de la France au Sahara explose dans l’atmosphère au sud de l’oasis de Reggane dans le Touat. Ce n’est que la première mais déjà sa puissance est de quatre fois supérieure à celle d’Hiroshima apothéose de la sinistre deuxième guerre mondiale en 1945 au Japon.
Deux jours plus tard, l’Empire chérifien rappelle son ambassadeur accrédité à Paris.
Côté Fln, pas la moindre réaction. Ce qui est somme toute normal puisque le Sahara ne le concerne pas. Il n’est pas encore attribué par le distributeur de territoires. Les chefs Fln en embuscade sont trop occupés à parachever leurs premiers contacts commencés en 1956 avec la puissance occupante, retardés par la chute de la Quatrième République, repris à Melun, de nouveau interrompus puis repris à Lugrin, puis aux Rousses, enfin signés à Évian-les- Bains une fois que l’Aln sera quasi défaite par les opérations Jumelles, Mésanges, Léopards et Challe, consciencieusement menées par les grands généraux cinq étoiles élite de l’armée française, qui vont techniquement, avec minutie, la décimer hormis quelques réduits imprenables dans les montagnes escarpées. Pas un mot de protestation contre la première explosion atomique à Reggane - ni pour celles qui suivront d’ailleurs! Pour le Fln c’est un non-événement.
La France a procédé entre 1960 et 1996 à 210 essais nucléaires, dont 17 bombes, au Sahara, 193 en Polynésie (167 à Mururoa, 14 à Fangataufa et 12 essais de sécurité). Toutefois le détail des chiffres peut évoluer le jour où toute la vérité et les archives seront dévoilées.
Le CSEM (Centre saharien d’expérimentation militaire) se situe à Reggane (oasis) à 700km au sud-est de Colomb Béchar au Tafilelt oriental. La base vie est à 15 km. le PC de tir et d’observation de Hamoudia est à 45 km au sud-ouest. 16 km plus loin, est élevé le pylône de 106 m qui supporte l’engin expérimental. Trois essais en 1960 : le 13 février à 7 h 4 mn 20 sec : Gerboise bleue essai sur tour, d’une puissance estimée de 60 ou 70 kT. Le 1er avril la 2ème Gerboise, blanche, sur plateforme, 20 kT. Le 27 décembre, la 3ème Gerboise, rouge, sur tour, 20 kT. Un essai en 1961, le 25 avril, 4ème Gerboise, verte, sur tour, 20 kT. Soit l’équivalent de 7 Hiroshima en moins de deux ans sur le même site.
Incroyable mais vrai. Mais toujours incomplet. Une carte montre que, jusqu’au treizième jour suivant l’explosion aérienne, le 13 février 1960, de Gerboise Bleue, la première bombe française, les retombées radioactives se sont étendues à toute l’Afrique de l’Ouest et au sud-est jusqu’à la Centrafrique, au Congo, ainsi qu’au nord, sur la côte espagnole et la Sicile (@ Reuters). Des pluies noires atteignent le Portugal. Trois jours après l’explosion, elles sont constatées au Japon.
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