54-conteneurs de plutonium

54-conteneurs de plutonium

Chekib Abdessalam

In Ekker :

la jusquiame et les 54

conteneurs de plutonium

Désormais, nous sommes entre les mains du plutonium, métal lourd radiotoxique, isotope fissile produit artificiellement. Le noyau atomique du plutonium 239 compte 94 protons et 145 neutrons. Le plutonium 241 possède 20 isotopes et 7 isomères, nucléaires radioactifs. Certains isotopes très instables du plutonium ont une période de radioactivité qui se chiffre en millions d’années. Fini l’uranium breton naturel à papa? On joue dans la cour des grands.

Pendant des décennies, on fait à croire que les effets des radiations nucléaires se font sentir pendant une durée de cinquante ans en ce qui concerne l’uranium et de trois cent ans pour le plutonium. Là, il est manifeste que l’on joue dans la cour du plus gros mensonge de la terre. Il suffira de feuilleter les pages de n’importe quelle encyclopédie universelle pour apprendre que les radiations nucléaires se prolongent indéfiniment par cycles d’activation-réactivation de demies-vies de 24 000 ans en 24 000 ans dites aussi périodes physiques et biologiques tout en étant pas vraiment des périodes. On parle aussi de décroissance exponentielle. Laissons au physicien et à l’atomiste le soin d’étudier ces phénomènes très complexes.

Le bal est ouvert. Sauve qui peut champignons vénéneux indésirables.

Nous Touaregs, travailleurs des chantiers de construction des galeries creusées dans la montagne, on nous explique que nous travaillons dans des mines d’argent, en compagnie des condamnés à mort amenés en renfort.

Chaque puits comporte une galerie de plusieurs kilomètres avec un champ de tir au point zéro, un colimaçon pour confinement des laves, plusieurs portes de sécurité, une galerie de mesures aux parois tapissées de treillis de cuivre anti parasite et ondes électromagnétiques, enfin un carreau de galerie avec sortie de câbles et de gravats.

Carreau de mine

Les protections dans les galeries sous la montagne étaient aléatoires. Les boitiers censés isoler nos combinaisons ne fonctionnent pas. Ceux qui n’avaient pas de protection étaient légion. C’est le cas d’un ami, un jeune mozabite de Beni Izguen^19 ayant travaillé à In Ekker, soigné à Lyon pendant une décennie de va-et-vient, non pas pour ses beaux yeux mais pour élaborer des diagnostics, un suivi technique dans le prolongement du traitement médical des cobayes.

Les touaregs croient qu’ils travaillent dans une mine d’argent. C’est ce qu’on leur fait croire à ses

  1. Ville sainte et intellectuelle de la Vallée du Mzab, patrimoine universel.

pionniers du travail salarié. En ce temps un jeune chamelier chaambi perçoit de trois à quatre riyels ou douros pour amener des marchandises à dos de chameau d’El Goléa, d’In Salah à Tamanrasset, soit un mois de caravane, soit une valeur de cinq cent sous pour chaque douro gagné. Les pièces de sous troués circulent encore. 15 à 20 centimes d’anciens Francs pour un trajet de 1400 kilomètres de piste chamelière aller et retour : un pactole. Il arrive que le chamelier vienne de Metlili à plus de mille kilomètres au nord dans la région de l’oued Sebseb où des Kouacemia ont fait pousser des cacahuétiers.

Salle d’appareillage

Les pseudos accidents nucléaires mirent à jour les pendules. Les premiers à en échapper furent les consommateurs assidus de fluor et de théine, antivirus crypté aux quatre-vingt dix-neuf noms. Puis,afelahlah, alias elhabala, la jusquiame^20 qui rend fou prit possession du terrain en contrebas des laves de l’épicentre. L’oued s’emplit de cette fleur presque noire qui fait peur. Elle a résisté à l’hydrogène omniprésent, à l’explosion plutonium et aux radiations nucléaires comme les scorpions et les fourmis. Ils sont les scorpions, nous sommes les fourmis.

Béryl
  1. Albetima en arabe.
Sauve qui peut

Juste à côté des cinquante quatre containers de plomb contenant des cubes de déchets de plutonium vitrifié toujours posés là à ciel ouvert cinquante-cinq ans après. Vert bouteille, olive, les cubes de plutonium. De cette couleur foncée des grands fonds marins. Ils sont faits de plaques de plomb soudées mais l’un d’eux a été ouvert par des appelés du contingent algérien qui y ont gravé des graffitis mentionnant leur promotion et leur prénom. Il ne fait pas bon traîner dans les environs. Au bout d’une demi-heure ou d’une heure la plante des pieds vous brule. Votre nez, votre bouche s’imprègnent d’une forte odeur de caoutchouc brulé. On y trouve des traces de feux qui servent à préparer la taguella touarègue, galette cuite sous le sable, et à cuire le thé vert, ce qui veut dire que nombre de personnes auront passé des heures entières de bivouac sur ses sites. Non loin des zones de régressions, de transgressions marines et des zones abiologiques entre adrar Ahnet et Tidikelt. Chaque container se tient debout sur quatre pieds, avec une plaque où sont inscrits un numéro et les lettres C E A. Dans un parfait alignement sur une dalle de béton, de belle facture, à côté de la route secondaire, toujours en parfait état, au macadam blanc et rose qui mène de puits en puits jusqu’au puits E11 sur le flanc sud-ouest des installations d’évacuation des gravats extirpés de la montagne. On trouve ces conteneurs plombés sur des plateformes à l’entrée de plusieurs puits, chacun correspondant aux galeries qui mènent à l’explosion d’une bombe différente. Ils ont tous, maîtres, élèves, coloniaux, néocoloniaux et autres récipiendaires, appelé la sixième explosion l’accident de Béryldu 1er mai 1962 au puits E2. Une fuite comme un volcan allumé dans la Taourirt tan Afela. Ce puits E11 au pied duquel se trouvent des conteneurs de plutonium, quelle est son utilité?

Lave atomique de granit dans les sommets de la Tin Afella

54 conteneurs de plutonium à ciel ouvert (Google-earth)

Autre plateforme avec alignement de conteneurs contenant des déchets de plutonium, E4 et E5 - Google-earth

Le réveil des irradiés, Jean-Dominique Merchet, Libérationquotien

Rien n’était prévu pour les fiascos. Comme celui du 1er mai 1962, lors de l’essai « Béryl » à In-Ekker … Au moment du tir de l’arme atomique, les calculs des physiciens se sont révélés faux. Plus forte que prévue, l’explosion a fait sauter le bouchon du puits. Michel Dessoubrais, appelé au 621e groupement des armes spéciales, y était : « Avec ma patrouille, nous étions à une dizaine de kilomètres. Le sol tremblait et une très grande flamme horizontale est sortie de la montagne. Puis un grand nuage de fumée noire. Ce n’était pas normal, mais nous ne savions pas quoi faire. Nous avons mis nos masques à gaz et nous sommes restés près de trois heures sur place. Des gars en combinaison sont arrivés pour faire des prélèvements et nous ont dit de foutre le camp ».

Les neuf militaires sont décontaminés : « Sous la douche, deux gars m’ont frotté pendant plus de trois heures. Et on m’a rasé les cheveux.» Une semaine plus tard, les soldats sont transférés à l’hôpital Percy de Clamart, en région parisienne. « On nous a mis dans le pavillon des officiers, avec des gendarmes à l’entrée.» Pendant près de trois mois, les examens se succèdent, jusqu’à deux ou trois prises de sang quotidiennes. « On ne nous a jamais donné aucun résultat », assure Michel Dessoubrais, aujourd’hui retraité dans l’Indre.

https ://www.liberation.fr/societe/2002/01/17/le-reveil-des-irradies 390662

Les Irradiés de Béryl, l’accident nucléaire français non contrôlé Louis Bulidon, Jean-Jacques Humphrey, Raymond Sené, Philippe Gilbert, Pierre Tarbouriech, Éditions Thaddée, 2011 Témoignage collectif Ce premier mai, le vent va pousser droit vers le sud le nuage atomique du Béryl. Il contamine les zones les plus habitées, c’est à dire la base de vie - Camp Saint Laurent, In Ameguel, Tit, Adagh Imouline, Ihilfen, Otoul, Tamanghasset ainsi que dans les contreforts de l’Atakor, Ifragh, Tagmart Tessaghlit, Tagmart Fougani, Terhenanet, Ilamane, Taessa, à l’ouest la région habitée d’Essalisekene, Iglan, Tifert, Tioulaoualine^21 et Abalessa.

  1. Où se dresse le campement de l’aménokal Bey Akhamouk, paix à son âme.

Remontons un peu dans le temps. E11 est le onzième des puits aux explosions au plutonium du massif de la Taourirt sur le chemin du Tesnou mais ces explosions autrefois abusivement qualifiées de souterraines furent précédés de quatre autres à l’uranium atmosphériques baptisées Gerboises selon la même démarche que leur grande-maman Little boy. Petit garçon. Très gavroche, au Japon d’Hiroshima, de Nagasaki et de Fukushima. Au Sahara central, vivent de très belles petites gerboises coloriées. Mignonnes à croquer. Qui n’hésitent pas à s’approcher du nomade qui ne bouge plus pour ne pas les effrayer. Elles s’approchent si prés que le nomade peut les abreuver avec une cuillère d’eau. Elles sont les plus petits, les plus blancs des kangourous^22 avec leur longue queue terminée par une touffe blanche, leur façon de se tenir debout sur leur pattes arrières à demi pliées. Elles tiennent dans la main du nomade patient. La gerboise, en temps normal, ne boit que le vendredi. Nous, Touaregs Imouhar, disons qu’elle boit l’eau des pierres, cette rosée du désert qui le matin très tôt rafraichit le minéral.

  1. La gerboise n’est pas un kangourou mais lui ressemble dans ses attitudes et son apparence en tout petit.

Une aubaine avant les grosses chaleurs des nuées ardentes.

Revenons à nos moutons. Nous sommes maintenant à la fin de la seconde guerre européenne dite mondiale, au vingtième siècle, en 1945. Les tabors et autres tirailleurs sont renvoyés chez eux. Ça sent bon le printemps. En mai, joli mois de mai, dans les territoires occupés par l’empire colonial français, des troubles éclatent. Sur ordre d’un jeune ministre, plus tard président de la république, la marine et l’aviation de guerre bombardent les côtes-est du Maghreb. Des milices de colons se forment. En quelques jours, on assiste à un carnage dont sont victimes des valeureux de la Libération de l’Europe occidentale du joug nazi, ceux que l’on envoie en première ligne, à l’abattoir, des indigènes démobilisés, des civils, des paysans, le plus souvent assassinés de sang froid à bout portant, au fusil de chasse parfois même à l’arme blanche. Les routes, les sentiers sont jonchés par milliers de cadavres. De nombreuses photographies noir et blanc d’archives ou de famille témoignent de l’horreur du crime. En cette fin de printemps, il y aura prés de quatre-vingt mille cadavres indigènes dans les campagnes, les hauts-plateaux d’Est en Ouest du Tell maghrébin, en des temps reculés, déjà grenier de l’empire romain. L’épicentre se situe à Sétif et Guelma mais l’onde maléfique se propage un peu partout au Maghreb. Un été chaud endeuillé s’annonce.

Dans le même temps, une partie au moins des quelques savants allemands capturés lors d’une opération aéroportée à l’intérieur des lignes nazies, avant que Russes et Américains ne raflent toute la mise, va être transférée à Biskra dans le département français des Oasis. Accompagnés de leurs homologues chercheurs français, ils sont amenés dans la première base spatiale française installée en Afrique du Nord. C’était le temps des caravelles. La nouvelle vague. Saint-Germain des Prés swingue. Les territoires sahariens sont gérés par l’armée coloniale depuis le dix-neuvième siècle, à Saint-Louis, de son vrai nom Darou Salam, à Casablanca et à Mascara, ville garnison, prés de Sidi Bel Abbés, berceau, capitale de la Légion étrangère qui pourtant porte le nom du saint des sabaatou rijel de Marrakech. Ils ont changé de statut. Ils sont transformés comme la bande sahélienne de la côte méditerranéenne, en départements français. Ils deviennent ainsi la France. L’empire chérifien, qui s’étendait jusqu’au Fezzan, les pays nomades et touaregs, les zones de dissidences, les principautés et les royaumes peuls, songhaî, mandingues, entre autres, ces régions et leurs populations, les colonnes de l’expédition coloniale vont les annexer en conférences inter- nationales, puis les « pacifier » au canon 75, à la baïonnette, au sabre. Têtes coupées, pendaisons, les deux mamelles de la colonie, puis au vingtième siècle, on passe au napalm, à la gégéne^23. Parfois quarante pour cent des localités ou des populations rurales sont exterminées par le feu et le fer. On s’attaque aussi au cheptel, aux arbres, aux cultures. Nous sommes dans l’inhumanité, l’enfumade, l’emmurade, l’ablation, l’amputation, la bavure, le carnage. Les troupes et les corps d’élite avec leur barda sont dirigés par des bouchers, des buveurs de sang^24 en uniforme, médaillés qui feront plus tard des émules.

  1. Génératrice utilisée par les parachutistes pour torturer l’indigène à l’électricité. Cf. Henri Alleg, La question , et Torture de Pierre Simon.
  2. On peut citer le colonel Mangin surnommé le boucher après la pratique de massacres systématiques au centre du royaume chérifien, notamment après les massacres de milliers de guerriers et de partisans de Moulay Ahmed Hiba à Marrakech et ceux des Ouled Zayan d’ElKsiba (1912-1913) trahis par le Glaoui. Il sera surnommé le buveur de sang pendant la première guerre mondiale. Aujourd’hui, le général Mangin, promu, a une statue érigée en son honneur de tueur place du Président- Mithouard, au chevet de l’église Saint-François-Xavier, place dans le septième arrondissement de Paris, ainsi qu’une statue dans le jardin de la Liberté à Sarrebourg où une cité scolaire porte également son nom.

Les éléments de Biskra seront rapidement déménagés aux environs de Colomb Béchar, une autre ville saharienne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un camp de concentration du régime de Vichy est installé à Colomb-Béchar, où seront soumis au travail forcé de nombreux prisonniers républicains espagnols, des communistes français, des dissidents et des Juifs. Le Centre d’essais d’engins spéciaux (CEES) fut créé pour l’Armée de terre française par décret ministériel du 24 avril 1947, à Colomb-Béchar en Algérie française. En 1948, il accueille l’Armée de l’air. Il devient le Centre interarmées d’essais d’engins spéciaux (CIEES). Béchar sera rattachée administrativement par la puissance coloniale au département de la Saoura à partir de 1958. Date à laquelle l’exploitation du pétrole et du gaz est désormais opérationnelle, rentable. La base se situe non loin de riches gisements de minerai de charbon alors en exploitation : les houllières de Kénadsa. Anciennement Elaouinet, le ksar de Kénadsa tire son nom actuel de celui de Sidi Mohamed Ben Ziane « El Kendouci »^25 , paix à son âme. À vingt

  1. Fondateur de la confrérie des zianides ou kenadsa, descendant des souverains du royaume Zianide qui avait pour capitale Tlemcen au 13e siècle dont le berceau se trouve au Moyen-Atlas occidental prés de

kilomètres de Béchar deux blocs ou polygones^26 du Centre interarmées d’essais d’engins spéciaux et de projectiles autopropulsés sont mis en place. En 1952, un centre plus important sera opérationnel dans la Hamada du Guir à 120 kms au sud-ouest de Béchar.

Les excellents pâturages de l’Ahaggar de l’hiver 1951-1952 échappent encore au massacre. Ils ne perdent rien pour attendre. Les premiers missiles balistiques de la force de dissuasion sont mis au point. Rampes de lancement et lanceurs sont installés : Centaure, Dragon, Véronique, Monica, Diamant et consorts. Dans ces bases seront testés des missiles, des drones, des fusées-sondes. C’est de là que bientôt au-dessus de nos têtes s’envolera allègrement vers l’espace la première fusée Ariane. Dans le même temps, le BRGM, bureau de recherches géologiques et minières, guidé par de grands connaisseurs du terrain à l’exemple des Bnounou ou des Bada, des Iklan Taoussit, des Imanghassaten, des Irreganaten et des Kel Ahnet. Les vétérans chameliers sont mis à contribution. D’immenses découvertes sont faîtes, telles que Khénifra où ils furent massacrés de nuit dans leur fief au début du 20e siècle sur le modèle du massacre qui eu lieu à Laghouat en 1852.

  1. Étrange cela rappelle Le polygone étoilé de Kateb Yacine.

de nombreux gisements d’uranium, d’or, d’argent, d’arsenic, de diamant, de tantale, de terres rares, de baryum, de cuivre, de fer, d’étain, de fluorine, de manganèse, de plomb, de zinc, de strontium, de tungstène. La liste est longue et non exhaustive. Sans compter les immenses richesses en pétrole, hélium et gaz naturel. Les torches des gisements de gaz et de pétrole rejettent en continu dans l’atmosphère leur fumées noires toxiques depuis trois quarts de siècle^27.

Le Sahara est sillonné de part en part durant la première moitié du vingtième siècle. On retrouve encore à ce jour des traces de véhicules tout- terrain de plus de soixante-dix ans quasiment imprimées sur le sol dans certains contreforts du plateau du Tadmait large de 500 kilomètres. À moins de savoir ce que vous faites, ne suivez pas ces traces. Elles sont faites pour égarer le quidam. Bien des gisements divers et variés seront plus tard prouvés par la télédétection satellitale^28 , méthode de gestion des espaces naturels en zone aride.

  1. Il s’agit là de rien moins que de 20 % des gaz à effet de serre qui en outre sont 28 fois plus réchauffant que les autres.
  2. voir le détail sur le site des Afriques : http://www.lesafriques.com/produits-de-base/ l-inventaire-des-gisements-de-matieres-premieres-de-l-alg-2.html? Itemid=308?articleid=17457

Le milieu naturel ou biotope des mouflons, des antilopes et des camélidés, des préhominiens au nomade chamelier, le Grand Sahara, entre dans l’engrenage pollué pollueur. De surcroît irradié, il devient la chasse gardée du prédateur, puis des prédateurs. Les bases de pétrole, de gaz et autres richesses du sol et du sous-sol sahariens sont baptisées « Algérie utile » tout le reste est inutile. Comme les points sur les i.

Quand on pense aux stratégies de survies et aux efforts d’hyper-adaptation des espèces animales et végétales, on est sidéré. Iguelmamen, les gueltas vitales sont empoisonnées. Des cadavres s’amoncellent au bord de l’eau. Des cadavres de mamifères, d’oiseaux, de poissons, de libellules et autres insectes. Qui sont ces animaux aquatiques du désert et ces vertébrés de grande taille qui vivent dans l’eau et sur terre? Des rescapés du réseaux hydrique fluvial du Sahara avant la désertification quand des fleuves de cinq à vingt- cinq kilomètres de larges et de un à plusieurs milliers de kilomètres rejoignaient l’Afrique des grands lacs et l’Éthiopie des Nils bleu et blanc et qui nous ont légué multitude de fossiles d’eau douce et autres gastéropodes dans le sédiment des berges aujourd’hui asséchées des grands oueds du désert comme la Tagrira, la Tafassasset … silures, tilapias, crocodiles et barbots du Nil. La femelle poisson garde les œufs en incubation dans sa bouche. Si la guelta s’assèche, un jour lorsqu’il pleuvra à nouveau sur la guelta ou en amont, les œufs pourront éclore. L’espèce survivra au-delà de la mort de la dernière femelle. Les plantes jettent leur graines différentes les unes des autres pour laisser à la surface du sol un capital de semences activées selon la conjoncture et l’événement ou l’aléa climatique pour donner une chance à l’espèce de survivre quelque soit x et les antilopes qui flairent une pluie à 800 kms de distance ou les dromadaires seuls êtres vivants capables de modifier la température de leur corps de 7 degrés. Tant de stratégies de survie déployées avec génie, avec succès. Idem pour les oiseaux, les insectes, les reptiles, les arbres, le règne animal, végétal et le bédouin comme un poisson dans l’eau dans le désert avant anthropocène.^29

Jetez-moi dans cette biosphère 17 bombes atomiques, et que ça saute! Dans les années 1980-1990, plusieurs enquêtes et missions sur le terrain pluridisciplinaires du

  1. Aujourd’hui quantité de mammifères souffrent et meurent de cancers nucléaires.

Parc National de l’Ahaggar en charge de la conservation du patrimoine culturel et naturel de l’Ahaggar, les innombrables témoignages de ses brigades de conservation Opna^30 et de l’ensemble des habitants du million de kilomètres carrés des zones d’expérimentation nucléaire confirmeront ce qui apparait de plus en plus comme l’évidence d’un impact gigantesque et général encore aujourd’hui en pleine puissance.

À Abdinizi, on rencontre un vétéran des Ifoghas n’Ahaggar qui, en 1992, nous explique qu’il ne s’est pas rendu à Tamanghasset depuis les années de bombes. Depuis 1959. Pareil, partout les réponses aux questions posées relatives aux impacts, dans les différentes régions, les tribus n’Ahaggar, rattachées aux Taïtok ou au Kel Ghala, les Kel Ahamellen et les Ineslimen, les tribus maraboutiques ou indépendantes, donnent quasiment les mêmes réponses. Les faits se recoupent, se complètent, se confirment. Les survivants le sont par la grâce de Dieu. Ils sont conscients que tous auraient pu disparaître brutalement. C’est juste une question de chance,

  1. Brigades de préservation, de communication et de mise en valeur de l’Office du Parc National de l’Ahaggar réparties sur une quarantaine de postes sur 540 000 km2 comprenant des brigades chamelières.

s’il est décemment permis de s’exprimer ainsi face à une telle catastrophe. Confinés dans un milieu urbain comme les villes du Japon, c’est sûrement ce qui serait arrivé. Dans le désert, l’humain fait corps avec la nature. Il n’en est pas séparé. Il en est un élément intrinsèque comme tout le vivant l’est, ni plus, ni moins. Un nomade qui passe à côté d’une fourmilière se baisse, met ses deux mains à plat dessus doucement puis les passe sur le visage en demandant à Dieu de faire de lui un travailleur courageux comme les fourmis. Jamais il ne marchera sur l’une d’entre elles. Il ne pourra dîner avant de nourrir son chameau. Il sait lire les signes qui émanent de la nature et des êtres vivants. Comme la façon de voler d’un oiseau. Comme lire dans le ciel où l’astronomie des anciens donne des noms d’animaux ou de personnes aux étoiles et aux constellations. Certaines étoiles sont les enfants d’autres étoiles. Il lit entre les lettres, entre les lignes, entre les mots, entre les pierres, entre les fleurs. C’est aussi à cette lecture que servent les salamalecs ou salutations interminables. L’intonation est plus importante que la détonation. Le désert est entier de finesse, de justesse, de savoir et de raison. Le désert est un parc national de toute éternité en ce Sahara et Sahel, berceau de l’humanité. Tant d’hommes et de femmes touaregs, arabes, peuls, toubous ou goranes portent des noms d’animaux et de plantes. Sans parler des surnoms ou kounia très largement répandus qui souvent se transmettent de père en fils. L’école des traditions orales complète la connaissance et le respect du milieu naturel. Les montagnes, les oueds, parfois les vallées, portent souvent le nom d’êtres humains, de héros ou de princesses, de pèlerins, de voyageurs, d’animaux et de plantes. Presque tous sont personnages de légendes. Les jinns et les anges s’y mêlent. Et les leçons de vie deviennent évidentes. Avec la bonne compagnie de ces personnages plantes, animaux, humains et autres, le nomade n’est jamais seul dans le désert. Il écoute les animaux, les plantes, les montagnes, les planètes. Il dialogue avec eux en permanence. Ils le lui rendent bien. Ils sont frères. Le moula-moula, oiseau annonceur de bonne nouvelle, avertit le nomade d’un danger, en agitant ses ailes au dessus de l’ennemi ou lui indique un point d’eau. Les sites physiques géologiques comme les pics et les monts se déplacent dans les légendes comme des volcans en activité, comme les êtres vivants. À chacun son épopée et Dieu pour tous. Chacun vit sa part de leçon de vie, sa référence historique, sa culture ancestrale. Il en parle et transmet. Cet univers parfois rude mais si courageux, si beau et si fraternel, se trouve soudainement au vingtième siècle agressé de la manière la plus violente et frontale qui soit. Il doit faire face aux radiations nucléaires et à leur dissémination massive. Les malformations d’enfants existent quoique moins nombreuses qu’au Touat et au Tidikelt. Les femmes sont durement touchées. Elles ont des tumeurs proéminentes jusque sur le visage, le front, le cou et la nuque. Elles ont des problèmes de thyroide. Certaines paraissent ne plus avoir de système immunitaire. Elles ont de violentes douleurs au ventre avant de mourir. Elles meurent aussi de ne plus avoir de force à l’âge de vingt ans. On l’appelle la « fechla » sorte d’incommensurable fatigue. Le nomade ou l’oasien est discret et fier. Il ne va pas se plaindre. Il ne va pas pleurer. Mais ce sont bel et bien des armes de destruction massive qui cohabitent avec lui, partagent son lit de sable et hantent désormais, comme des fantômes de mort, sa niche écologique, son corps. La mort est là, un revenant présent partout, quotidienne, familière. La vie ne tient qu’à un fil. Le pays des chameliers échappe de justesse à la mort totale, absolue, abiologique. Certaines plantes ont déjà disparu. Les bergers disent à l’unisson que c’est depuis l’année de la bombe^31. Depuis quand? Les aînés répondent :awatay ouan alqora.

Tableau 1 : https ://amis-pic-laperrine.forumpro.fr/
  1. Celle de l’explosion du puits E6 ou du puits E11 au sommet de la Taourirt

Tableau 2 : agenda 13 bombes atomiques à In Ekker - Ahaggar

Tableau 3 : selon icanfrance.org.

Remarque : les tableaux 1, 2 et 3 n’indiquent pas les mêmes chiffres de puissance en Kilotonnes.

https ://amis-pic-laperrine.forumpro.fr/gallery/
5 essais de sécurité à l’air libre - dispersion de plutonium
In Ekker plaine (tan ataram - en aval)

Programme complet de la Taourirt Tan Afella ill. V in Les irradiés de Béryl.


Bien mal acquis ne profite pas.


À qui profite le crime nucléaire au Sahara? / chekib abdessalam
Nucléaire, bactériologique, chimique,
biologique, balistique, spatial, pétrole, or

Préface d’Abderrahmane Mekkaoui / Collection Allure saharienne, libre de l’Atlantique à l’océan Indien, © alfAbarre, 2021 / 24, rue Le Brun, 75013 Paris (les Gobelins) / http ://www.alfabarre.com / editions@alfabarre.com / ISBN 978-2-35759-105-9 / EAN 9782357591059 / ISBN 978-2-35759-107-3 (Ebook - epub) / ISBN 978-2-35759-106-6 (Ebook - pdf)


Azaouad
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